Artist Photographer

Démarche artistique

Diptyque et synchronicité

A sa connaissance, Jacques Cochin a été le premier, en 1985, à développer le concept du « diptyque de correspondance ». Cette approche nouvelle consiste à choisir deux thèmes a priori éloignés l’un de l’autre puis à les réunir dans un diptyque où chaque visuel conserve son autonomie tout en les unifiant par les forces de synchronicité et d’affinité. Se reporter aux textes issus de « Modus Ex Machina » et « Alter Ego »,  ci-après.

MODUS EX MACHINA
La vie est belle !... Je mets la photographie au service de mes passions: esthétique, vitesse, surréalisme.

Si la vitesse, pour moi, est une sensation terrienne de bonheur pur; la beauté dépasse cette contingence car elle communique directement avec l'âme. Le surréel, lui, est un accélérateur de force émotive et de poésie dans une époque souvent matérielle au premier degré. Le monde est beau: le maître cylindre d'un frein de Maserati, comme la grâce aérienne d'une robe recèlent autant de beauté qu'un tableau de maître.

Notre époque est gouvernée par les interactions et l'accélération de l'évolution; les perspectives s'étirent; les arts ne cessent de se faire écho, de se frotter, se métisser. La vision du monde traditionnelle se lézarde notamment dans le rapport qu'entretient la femme et l'automobile, hier faire valoir machiste à sens unique, aujourd'hui exemple type du Yin et du Yang. Grâce au morphing on a vu la réalité se dissoudre comme dans un miroir déformant, la photographie ne reste intéressante qu'en donnant à l'autre la possibilité de changer son regard pour voir autrement un réel trop connu par le jeu des signes et des rapprochements. Le fragment y concoure, il produit un imaginaire bien particulier, révèle et amplifie dans l'absence.

Encore faut-il faire scintiller cette réalité augmentée et en trouver le modus operandi : mettre en oeuvre une forme à la fois sensible et conceptuelle qui exprime cette vision du monde. Un nouveau langage apparaît avec le diptyque de correspondance, proche de l'écriture. Il décale le réel de sa condition primaire et impose au regard l'appropriation d'un discours télépathique le reliant à l'intellect. Le récepteur est impliqué dans l'achèvement de l'oeuvre: par double lecture, il doit rapprocher d'abord, désunir ou inverser ensuite. C'est pourquoi la partie essentielle se trouve être le champ aveugle ou hors champ subtil séparant les deux visuels: ce que le rectangle de la photo définit, la brèche du diptyque le divise, ce qu'il referme, elle l'ouvre : les formes trébuchent, ombrées de mystère. " Haiku " photographique (poème qui maîtrise l'art de la brièveté et de la simplicité, il se reçoit dans tous les sens, par les sens), et " punctum " (ce qui allie la réalité et la vérité) selon Barthes, ici la photographie relève d'une logique voisine de celle de la poésie en mettant en phase le réel et le virtuel qui est sans doute l'un des moteurs de l'art dans ce siècle naissant.

Si le style est la résultante de parti pris, de pulsions, de résonances intérieures, la sincérité en art réside dans l'intention de l'artiste en s'affranchissant des contraintes et des diktats du moment: la critique encense le banal, l'ordinaire, le neutre (après l'abject, le rien, le moche), tout cela passe. Seules survivent les vibrations hautes, source de ravissement. J'essaye d'y parvenir à travers la légèreté. " Là où la légèreté nous est donné, la gravité ne manque pas " Maurice Blanchot.


ALTER EGO
Le hasard et ma nécessité

Ce livre est le fruit de 20 ans de recherche, depuis l'idée qui s'imposa sur la table lumineuse en 1987 où mes images de Couture s' étaient côtoyées par « hasard » avec un grand prix de Formule 1. Hasard ? Je l'ai pensé quelque temps.

En fait le hasard est un fourre-tout : on y met volontiers tout ce qui n'est pas un produit du rationalisme .

Que faire quand l'image est faite sinon la défaire ou mieux trouver son écho ? Lorsque je photographie, je n'ai jamais à l'esprit une image particulière dont je chercherais le pendant: en photographiant la mode je pense voiture, à l'affût des couleurs, des formes, des textures, des lignes qui sont caractéristiques de l'automobile. Je sais dans l'instant son potentiel : du possible au certain. Même attitude avec les formes de l'auto, mais avec moins de rigueur dans le déclenchement: les possibles du vêtement féminin sont quasi infinis !

La réalité dépasse la fiction : si je photographiais ces deux thèmes en studio, mon imagination ne serait jamais aussi prolixe que la vie arrêtée du reportage où l'inattendu, le fugitif, le naturel apportent une dimension vécue, spontanée et authentique car je suis spectateur de ces messes (les défilés) et de ces actes d'opéra (les circuits). L'important pour moi est d'allier l'esprit du reportage avec les techniques de l'épure du photographe de mode : il y a toujours trop d'information dans une image.

La réussite impose une intention forte et tenace sur l'image choisie suivie d'un temps de latence, sans recherche précise pour s'ouvrir à l'intuition, garder l'esprit suffisamment ouvert et attentif afin de reconnaître l'écho significatif. Entre en jeu aussi une sorte de médiumnité de l'analogie, comme si ma nécessité empêchait le hasard.

Le petit miracle se produit lorsque la résonance des deux images provoque une profonde et troublante impression au témoin, le fait basculer à son tour sur un plan harmonique et lui entrouvre un accès à une autre dimension, non matérielle mais vibratoire, de la réalité.

Après l'engouement des scientifiques pour une stricte rationalité ou une probabilité définie, les similitudes sans causalité sont ... à la mode. Depuis la théorie du chaos et la mécanique quantique, y aurait-il une force qui regrouperait ce qui est semblable par affinités ? Qui créerait un réel mosaïque reliant l'esprit et la matière, à la place des liens de cause à effet du monde cartésien ?

Le diptyque et ses correspondances en seraient un vecteur privilégié.

Jung aimait à répéter une phrase écrite sur le fronton d'un temple indien : « Si l'on remonte à l'origine de la coïncidence, elle devient inévitable ».

NB : Mes photos ne sont qu'exceptionnellement recadrées après la prise de vue ( 5 sur 268) et très rarement reprises à l'aide d'un logiciel de retouche, si ce n'est pour éliminer une poussière, une publicité trop voyante sur une voiture de course ou une dominante qui n'existait pas.